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Posted by KentrunK
Tuesday, December 8, 2009
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#10
Arguès ouvrit la fenêtre et contempla la lune bien ronde dans le ciel noir. Il se replongea dans de vieux souvenirs...du temps où il était un humain parmi les autres.
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Arguès avait une affection sans limite pour son frère et lui enviait parfois cette légèreté avec laquelle il menait sa vie, sans se soucier réellement des conséquences ni même de quoi serait fait l'avenir. Lui qui se sentait souvent à l'étroit dans sa chemise au col amidonné aurait aimé se laisser aller à l'occasion à plus de désinvolture. Des deux héritiers il était celui qui représentait le respect et la maturité à l'opposé de Ténébos qui passait pour un séducteur narcissique inconvenant bien qu'en public celui-ci nourrissait la fausse image d'un homme respectable. Il fallait le connaître intimement pour découvrir ce qu'il était en réalité.
Une nuit tardive, il surprit son frère rentrant d'une soirée entre amis et crachant du sang. Il puait l'opium et l'alcool jusqu'à l'autre bout de la pièce. Il lui saisit le bras et l'interrogea du regard. Ténébos improvisa un léger malaise, rien de bien méchant mais Arguès n'était pas dupe. Cracher du sang était généralement signe d'une infection grave. Il insista et le somma de lui dire ce qu'il en était. Ténébos sourit et le repoussa violemment avant de s'assoir et de se verser un verre de vin.
"Je suis malade, j'ai la syphilis." dit il avec un détachement presque choquant.
"Comment ?!...As tu consulté un médecin ?"
"Oui mais on ne peut pas vraiment dire que le traitement médicinal qu'il m'a prescrit apporte des résultats concluants. Je suis condamné et serais probablement mort dans quelques mois."
Arguès en resta sans voix. En quelques secondes il découvrait qu'il serait prochainement fils unique. L'idée de perdre son frère et meilleur ami lui paraissait inacceptable.
"Non...NON ! Il doit forcément exister d'autres façons de traiter cette infection. Il suffit de consulter d'autres médecins, de meilleurs médecins bien plus qualifiés."
"L'infection est trop développée, c'est trop tard."
Arguès, agacé de le voir si peu ému par sa maladie lui arracha le verre des mains et le secoua vigoureusement comme pour lui faire prendre conscience qu'il devait se reprendre en main et réagir. Mais tout ce que Ténébos fit en retour fut un chassé de la main, comme pour l'inciter à le laisser en paix.
"Si tu ne passais pas la plupart de ton temps à penser avec ta queue, tu n'en serais surement pas là." Lui envoya t il cognant du poing sur la table.
"Et toutes ces femmes que tu continues de sauter tous les soirs...comment peux tu les contaminer à leur tour avec autant d'insouciance."
"Ce ne sont que des putains de luxe dont la vie ne vaut rien. Je ne fait qu'assouvir leurs désirs."
"Quand je pense que je suis celui auquel on colle l'image de l'homme froid et dénué de sentiments dans cette famille...tu es un monstre Ténébos !"
La seule réponse qu'Arguès eu fut le rire de Ténébos qui semblait totalement insensible à son propre sort comme à celui de toutes celles qu'il avait séduit.
"Et Marianne ?" demanda-t-il d'un ton sévère.
"Je ne la toucherais jamais me sachant malade. Dois-je te rappeler que mes sentiments sont plus que sincères envers elle ?"
"Que cela reste ainsi, tu es prévenu !"
"Mon frère se soucierait-il à ce point de la réputation de notre belle famille ?" dit il en reprenant son verre et en le levant comme pour trinquer.
"Tu es saoul !"
"Probablement oui."
Ténébos se leva et tapota gentiment l'épaule de son frère avant de rejoindre son lit.
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Arguès revint quelques instants à la réalité avant de se remémorer la douleur que son coeur avait ressenti quelques mois plus tard lorsque ses mains s'étaient apposées sur le cou de Marianne, serrant fort, ne lui laissant aucune chance de vivre. Il n'oublierait jamais la peur et l'incompréhension qu'il avait lu dans ses yeux quand son dernier souffle avait quitté son corps. Ténébos lui en avait longtemps voulu pour son crime, persuadé qu'il avait tué sa fiancée davantage pour le fait qu'elle ne lui appartiendrait jamais que pour le fait que la jeune femme avait vu bien trop de choses comprométantes à leur sujet après avoir été damnés. Selon lui l'idée qu'elle puisse les dénoncer un jour et les mettre en péril n'avait été qu'une excuse bancale pour justifier son geste.
Personne ne pouvait imaginer, aujourd'hui, que si Arguès détestait si fort l'idée que son frère puisse séquestrer de jeunes captives depuis des années était tant pour son dégoût envers les humains que pour le fait qu'il estimait son frère suffisamment responsable de la souffrance de nombreuses femmes par le passé. Ne murira t il donc jamais ? Pensa-t-il.
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