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Lost Amnia, text #11


#11


En fin d'après-midi suivante, Ténébos rejoinit Junaled. Sur ces recommandations, elle avait revêtu une robe de bal à l'ancienne, mélangeant soie, dentelles vieillies et décolleté affriolant. Il plongea ses yeux dans les siens et elle s'endormit rapidement, glissant dans ses bras. A son réveil, une heure plus tard, elle le vit assis au pied d'un divan sur lequel elle était allongée, perdu dans ses pensées, admirant une coupe de champagne. La voyant revenir à elle, il lui fit un large sourire, l'aida à se relever et lui tendit son verre tout en l'amenant à quitter la pièce. Il ressemblait à un aristocrate de la cour du roi du temps du 18ème siècle. Il était beau, indéniablement il pouvait être prétentieux et sûr de lui car la beauté et la délicatesse de son visage étaient réelles. La porte s'ouvrit et June pu découvrir une foule de gens déguisés dans le même registre qu'eux, ils dansaient, mangeaient, conversaient de tout et de rien. Certains avaient poussé le réalisme jusqu'à porter perruques et maquillage façon Louis XVI.

"Mais qu'est ce donc ?"
"Une soirée à thème. Les riches en font régulièrement. Ils ne savent plus comment se distraire alors tout sujet de divertissement est toujours le bienvenue."
"Sont ils....humains ?"
"Bien sur."

A ces mots June comprit qu'elle était revenue dans son monde, l'idée d'être à nouveau entourée des siens lui fit ressentir une telle joie qu'elle ne put s'empêcher de palper quelques visages qui passaient devant elle, à leur grande surprise et incompréhension; ce qui amusa beaucoup Ténébos.

"Pourquoi ? Pourquoi m'offrir un tel cadeau ?"
"Je t'avais promis que tu sortirais aujourd'hui."

Son bonheur était immense. Elle avait enfin quitté ce lieu maudit rempli de cadavres et de monstres.

"Veux tu danser ?" lui dit-il tout en lui tendant la main.
"Avec plaisir."

La joie de vivre brillait à nouveau dans le regard de la jeune femme et il n'en fallut pas davantage pour réjouir le vampire. Il la saisit à la taille, la guidant vers la salle de bal et commencèrent à valser tel qu'on le faisait à l'époque. Il aurait tout donné pour pouvoir ainsi la conserver contre son corps tout le temps. La jeune femme, heureuse, pétillante, tantôt riait aux éclats, tantôt reposait sa tête sur sa poitrine glacée tandis qu'ils traversaient la pièce en tournoyant.
Elle but, mangea, ils se joignèrent aux discussions des autres un long moment, comme n'importe quel autre couple; Junaled blottie affectueusement contre son protecteur. Elle s'amusa aussi du fait que contrairement aux légendes, il reflétait parfaitement dans les miroirs et qu'ils étaient même pour lui un objet incontournable. C'était une soirée magnifique. Pourtant l'espace d'un court instant, alors qu'ils étaient debouts parmi la foule, Ténébos décrocha quelques secondes à peine son regard de sa compagne pour répondre aux compliments d'un groupe de jeunes femmes venues le féliciter pour son allure générale très à leur goût. Mais lorsqu'il la cherchea à nouveau des yeux, celle-ci avait disparu. A moitié pris de panique, il traversa la pièce en scrutant chaque femme, à la recherche de la sienne mais il dut se rendre à l'évidence ; Junaled avait profité d'un moment d'inattention de sa part pour s'ésquiver. Il fut profondément déçu par cette idée, son coeur bien que mort lui faisait mal. Il se hâta, cru plusieurs fois l'apercevoir mais à tort, s'agisseant d'autres jeunes femmes déguisées dont la silhouette était proche. Junaled, quant à elle, était arrivée sur le seuil de la résidence. Elle aurait pu s'enfuir et oublier à jamais l'emprisonnement qu'elle avait vécu ses dernièrs temps mais son pied ne put se résoudre à franchir la première marche du perron, pas après un tel moment ensemble. Bien que l'envie de retrouver sa vie d'avant n'était comparable en rien et restait ce à quoi elle aspirait plus que tout, l'idée de ne plus revoir Ténébos lui semblait presque aussi insupportable que vivre dans l'enfer dans lequel elle était enfermée. Elle avait des sentiments pour lui ; elle se sentait amoureuse. Certes il était égoiste, présomptueux, excentrique mais il avait toujours veillé sur elle, pris grand soin d'elle lorsqu'elle était blessée et il l'avait même ramené parmi le monde des humains pour lui redonner le sourire. Résignée, elle s'assit sur la première marche, attendant patiemment qu'il ne la rejoigne. Il la retrouva quelques instants après. L'apercevant enfin devant lui, il se sentit soulagé ; elle n'avait finalement pas fuit, elle était restée là, probablement pour lui, pour quelle autre raison sinon. Il la prit dans ses bras, la serrant très fort contre lui et plongea son visage dans ses longs cheveux noirs avant de glisser ses lèvres jusqu'aux siennes et de l'embrasser un long moment.

"Ne me ramenez pas la bàs, je vous en prie." le supplia-t-elle
"Nous pourrions vivre ailleurs, ensemble et faire comme nous l'avons fait ce soir." ajouta-t-elle.

Mais elle s'assoupit à nouveau dans les bras du vampire sans trop comprendre comment et la vision de ses semblables s'amusant derrière la porte s'effilocha jusqu'à ne plus être.

Plus tard dans la nuit, lorsqu'elle revient pour la seconde fois à elle, elle le vit à nouveau au pied du lit, veillant sur elle. Elle lui sourit, se redressa puis regarda autour d'elle, avant de découvrir avec déception mêlée de colère qu'elle était revenue dans sa prison dorée. Elle se leva, tourna plusieurs fois sur elle, tout en regardant la pièce les yeux écarquillés comme si c'était la première fois qu'elle la voyait.

"Non, non, non NON NOOON!"

Ténébos comprit rapidement que l'idée d'être revenue ici lui était difficile, voir terrible. Il se leva et voulut lui dire quelque chose de réconfortant mais elle ne lui en laissa pas le temps.

"Pourquoi ? Pourquoi ? Je croyais qu'il y avait quelque chose entre nous, je croyais que cela était sincère. J'ai renoncé à tout ce que j'aimais pour rester à vos côtés et vous me ramenez dans ce lieu infâme après m'avoir permis de goûter au bonheur l'espace d'une soirée...quel homme cruel êtes vous ? Cela vous amuse-t-il ?"

Le vampire en resta bouche bée, ne sachant que dire. Jamais il n'aurait pensé que la jeune femme serait à ce point à la fois ébahie et démontée. Pourtant en y réfléchissant cela paraissait logique...pour elle c'était comme être dérobée aux siens une seconde fois. Il aurait aimé s'excuser de sa maladresse, la prendre à nouveau dans ses bras mais elle le repoussa et lui lança un regard noir. Il en fut tellement ému qu'il quitta la pièce en silence, décontenancé. Effondrée, Junaled s'allongea sur son lit et se recroquevilla sur elle même.

"Si seulement la mort pouvait venir vite."

Bien que lointaine cette phrase parveint aux oreilles du vampire, qui sentit comme la lame d'un couteau lui transpercer les entrailles.

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Et tandis qu'il se dirigeait vers la chambre de Laudanum pour reposer son esprit et son corps, Arguès, furieux, agrippa brutalement son frère, et l'amena dans ses quartiers privés. Constantinople était là, nue, avachie sur le sofa à jouer avec quelques os fraichement rongés.

"N'ais je jamais dit qu'aucun humain qui franchissait ces murs ne devait...ne pouvait en ressortir vivant ? Et toi tu promènes cette femme pour te pavaner ensuite avec elle parmi les humains. AS TU PERDU L'ESPRIT ? AS TU REFLECHI AUX CONSEQUENCES DE TES ACTES ?"
"Ce n'est qu'une jeune femme, elle ne peut faire aucun tort. Elle n'a parlé de nous à qui que se soit...si cela peut te rassurer."

Le détachement habituel avec lequel il répondit, le mit dans un tel état d'agacement, qu'il le gifla violemment, marquant sa chair de ses griffes.

"COMMENT PEUX TU ETRE AUSSI DESINVOLTE ? QUE CROIS TU QUE FERAIS LES HUMAINS S'ILS PRENAIENT CONNAISSANCE DE NOTRE EXISTENCE ?"

Ténébos sincèrement agacé par la bonne morale que lui faisait son frère, le poussa brusquement en arrière.

"N'essayes surtout pas de la toucher. Je t'ai pardonné avec difficulté pour Marianne, mais si tu tues celle-ci pour la même raison boiteuse qu'elle pourrait te faire perdre toute crédibilité ou mettre en danger ta personne, en te révéleant à la face du monde...je ne te pardonnerais jamais."

Cette menace; c'en était trop pour lui. Son corps prit l'apparence d'une bête, un loup aux dimensions démeusurées, déchirant vêtements et chaussures. Il se jetta sur Ténébos qu'il mordit avec férocité à plusieurs reprises. Le vampire le repoussa mais ne prit même pas la peine de se défendre davantage. Constantinople, tenta de calmer son amant. Voir Arguès en rogne était quelque chose de difficilement vivable pour tous car son humeur maussade persistait des jours durant après et sa compagnie demeurait fort désagréable.

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Finalement, l'idée de se retrouver entre les bras et les cuisses de sa sirène était la seule chose agréable à laquelle il voulait penser après cet enchaînement de colère et de violence à son égard. Bien qu'il était très inquiet pour June il voulait simplement tout oublier l'espace d'un instant, penser à tout autre chose. Il poussa la porte et pénétra dans la chambre de Laudanum.

"Tu n'es plus le bienvenue ici." lui lança-t-elle pendant qu'elle démêlait sa chevelure.

Il s'avança vers elle, un sourire naïf aux lèvres.

"Quel nouveau jeu est ce donc ?"

La sirène se leva et lui envoya une nouvelle fois :

"Tu n'es plus le bienvenue dans cette chambre."

Il se figea, essaya de comprendre.

"Aurais-je dit ou fait quelque chose de blessant à ton égard ?"
"Je t'ai vu la regarder. Il y avait de l'amour dans tes yeux, un amour candide mais réel et je ne partagerais pas cela avec une autre. Que tes caprices aient amené ici moultes humaines que tu as pu joyeusement chevaucher au grès de tes humeurs, ne m'a jamais dérangé. Après tout, j'aime moi même séduire d'autres hommes, j'ai toujours su que ce n'était qu'un jeu. Mais celle-ci est différente."
"Me demandes tu de choisir entre elle et toi ?"
"Si je prends cette décision c'est pour t'éviter de devoir le faire...tu en serais incapable de toute façon."
"Qu'essayes-tu de me dire réellement ?"
"Que tout ce qu'il y a entre nous s'arrête ici à ce moment précis. Tant qu'elle sera là je n'existerais plus pour toi."

A nouveau Ténébos en resta bouche-bée quelques instants avant de retrouver ses esprits. Il voulut l'embrasser comme pour s'excuser.

"Ce n'est pas un jeu. Je veux que tu quittes cette pièce...tout de suite !"

Il comprit alors aprement que Laudanum était tout ce qu'il y avait de plus sérieuse.

"Comment peux tu ainsi choisir de tout arrêter après tout ce que nous avons partagé ces longues années ? Douterais tu de la sincérité de mon amour pour toi ?"
"Non je n'en ai jamais douté. Maintenant va-t-en s'il te plait !"

Elle le poussa vers la sortie. Il chercha quelques mots ou phrases à dire qui renverseraient la situation en sa faveur mais rien ne lui venait à l'esprit. Elle lui ferma la porte au nez. Il resta un long moment debout, immobile et soudain la réalité de ne plus jamais profiter de sa compagne lui parut inacceptable. Il entra en fracas dans la chambre et empoigna la sirène, qui se mit à vociférer dans un jargon inconnu pour la plaquer sur son lit et tenter de l'immobiliser mais sa force était grande, très grande et il avait beaucoup de mal à la maintenir sous pression.

"Tu n'en as pas le droit ! Je ne pourrais pas le supporter !"

Alerté par les chants courroucés de Laudanum, Arguès entra en trombe et attrapa Ténébos qu'il projetta sauvagement vers l'extérieur de la pièce.

"C'EN EST ASSEZ ! JE TE CONSEILLE VIVEMENT DE TE TENIR A L'ECART QUELQUES TEMPS !"

Tous les avaient rejoint, essayant de comprendre, ce qui avait pu provoquer une telle rogne chez le vampire. Ténébos se releva, jetta un dernier regard à Laudanum comme pour lui dire "Pourquoi me fais tu cela ?" et s'éloigna hagard, marchant mécaniquement. Gorgophonée essaya de le rattraper pour le consoler mais il l'esquiva, lui passant simplement la main dans les cheveux en remerciement de cette attention. Arguès pouvait être dur et ne pas réaliser parfois que ses mots et ses actes pouvaient être blessants mais les actes égoistes de Ténébos avaient fini par se retourner contre lui et lui porter préjudice.

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