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Lost Amnia, text #26


#26

Ténébos savait parfaitement qu'elle ne le laisserait pas s'approcher d'elle après leur dernier accrochage mais tout ce qu'il voulait c'était pouvoir la regarder même à distance et se laisser envoûter par l'odeur de ses cheveux qu'il aimait tant. Il n'en dirait rien à June puisqu'elle désirait ne rien savoir à son sujet alors aucun argument ne lui semblait suffisamment valable pour qu'il prenne davantage sur lui. Il allait devoir la convaincre de le partager. Ce ne serait pas facile mais Ténébos comptait sur leur amour plus que centenaire pour qu'elle lui revienne.

Il savait parfaitement où la trouver ; dans ce boudoir rétro où les femmes aimaient converser à l’ancienne ou s’adonner aux plaisirs charnels avec leurs amants du moment à l’abri des regards indiscrets et des cancans de village. Laudanum aimait particulièrement cet endroit, elle y passait des nuits de manière plus ou moins régulière. Ténébos le savait parfaitement mais il s’était toujours refusé à y passer, sachant qu’elle aimait avoir un jardin secret bien à elle où il n’était guère convié. Il aurait tout simplement pu attendre son retour mais sa motivation était telle qu’il fallait qu’il saisisse dans l’immédiat cette opportunité d’être suffisamment déterminé et fort mentalement pour essayer de la reconquérir et peu importaient les conséquences de cette visite impromptue.

Lorsqu’il fut sur place il n’eut qu’à compter sur son odorat développé pour trouver la chambre où Laudanum s’était isolée. Il s’approcha doucement de la porte pour se stopper presque aussi sec dans son élan, entendant résonner à la fois rires féminins et masculins. Elle était à quelques mètres de lui seulement mais accompagnée d’un humain très probablement avec lequel elle semblait beaucoup s’amuser et c’était plus que prévisible. La jalousie dont pouvait faire preuve le vampire à l’égard de sa concubine revint en force et bien qu’il voulu entrer en fracas pour tordre le cou à celui qui osait la charmer, il n’en fit rien, grinçant des dents, grognant à bas mot, se retenant de tout son possible de faire quelque chose qu’il regretterait assurément. Il essaya de prendre sur lui mais les rires se répétèrent plus insistants et amplifiés. Alors ne pouvant se contenir davantage il ouvrit violemment la porte, souleva à distance l’homme qu’il envoya se fracasser contre le mur du fond le tout sous les yeux ébahis de Laudanum qui ne se serait jamais attendu à le voir en ces lieux.

Tout en essayant de contenir sa colère aussi spontanée que violente, il réalisa quel acte inconsidéré il venait de faire, persuadé d’avoir fait pire que mieux. Il s’attendait à ce que sa compagne ne le gifle ou lui fasse part d’une quelconque manière de son mécontentement mais à sa plus grande surprise elle n’en fit rien. Pour qu’il viole délibérément cette frontière invisible qu’elle lui avait imposée afin de garder sa liberté c’est qu’il devait profondément souffrir, bien plus encore qu’elle ne pouvait l’imaginer et cette sensation d’en être la cause la paralysa. Elle resta donc debout à le dévisager. Il osa un pas dans sa direction, tâtant son humeur pour savoir s’il pouvait oser continuer ou non mais là encore elle resta immobile. Alors il vint se tenir à quelques centimètres d’elle seulement, lui caressant affectueusement la joue. Elle ferma les yeux. Ténébos ne sut comment réagir, son attitude était à l’opposé de celle attendue. Il l’embrassa sur la joue puis son visage vint se perdre dans ses longs cheveux qui se mirent à danser et à tourbillonner comme ils avaient pour habitude de faire dans leur résidence commune. Ténébos marqua un temps d’arrêt, c’était bien la première fois qu’il les voyait ainsi se mettre en mouvement parmi le monde des humains. Il l’observa quelques secondes, elle avait fermé les yeux, attendant que sa main ne vienne à nouveau caresser sa peau. Voyant à quel point elle semblait étrangement calme, il approcha son visage le collant presque au sien et lui susurra sans même s’y attendre :

« Je t’aime »

C’était la première fois qu’il disait ses mots à une femme. Pourtant Marianne, June avaient su conquérir son cœur mais jamais il n’avait pu jusqu’à ce jour prononcer ces mots et Laudanum le savait parfaitement. Alors lorsqu’ils résonnèrent pour la première fois au creux de son oreille, elle ouvrit les yeux et la bouche de stupéfaction, se demandant si ce qu’elle venait d’entendre n’était pas simplement le fruit de son imagination. Mais il la regardait apaisé qu’elle ne se soit pas braquée ou ne l’ait pas rejeté une fois encore, pendant que sa main caressait de nouveau tantôt sa joue tantôt ses cheveux. Il l’avait dit sans préméditation, le plus naturellement possible et ne semblait pas même s’en étonner.

Rien n’était comme il l’avait imaginé en ce moment précis. Jamais elle n’aurait réagi aussi calmement, jamais il ne se serait allé à exprimer de telle sorte son amour.

Laudanum bougea enfin, tout doucement toujours surprise par ses mots qui continuaient de vibrer en elle. Elle recula, en silence, jusqu’à atteindre le mur derrière elle pour ramper et se retrouver accolée en haut de celui-ci, telle une araignée se glissant sur le dos jusqu’au plafond. Ténébos ne la comprenait toujours pas. Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Elle semblait presque apeurée et fragile, des sentiments à l’opposé de sa personnalité enflammée et affirmative. Quelque chose venait de la toucher au plus profond d’elle-même. Peut être venait elle de comprendre qu’il était vain de tenter de faire le deuil de leur couple et de réaliser pour la première fois toute la force et l’intensité des sentiments qui les liaient depuis si longtemps. Bien que les sirènes tenaient à leur indépendance, elle avait peut-être finalement accepté le fait de penser en terme de deux et non plus en terme de un et tout cela venait soudainement se fracasser contre son esprit comme pour lui en révéler l’évidence. Sa fierté exacerbée de ces derniers temps s’était presque subitement estompée pour laisser place à une femme plus amoureuse encore qu’elle n’aurait jamais pu l’admettre.

Ténébos lui tendit la main, alors elle glissa doucement à nouveau vers le sol et sa main vint se poser au creux de la sienne.

« Il ne m’avait pas encore touché tu sais mais j’espérais bien le goûter. »
« Je suis désolé. »

Ses cheveux retombèrent eux aussi sagement le long de son corps. Il l’invita à le suivre.

« Rentrons. »
« Que faisons-nous de lui ? » demanda-t-elle désignant le cadavre démantibulé de celui qui l’accompagnait il y a quelques instants encore.
« T’a-ton vu entrer à ses côtés ? »
« La raison de ce lieu est justement de passer inaperçu et d’être invisible aux yeux de tous. »
« Et habituellement ? »
« Je les traîne mort dans la baignoire de la salle de bains, au fond. Le sang est plus facile à nettoyer une fois leur corps rongé ; ça ne laisse aucune trace apparente. J’emporte les restes dans cette malle qui ne me quitte jamais jusqu’à mon retour au manoir.
« Alors il lui sera simplement arrivé malheur d’une façon que personne ne saurait expliquer et dans un lieu tel que celui-ci on l’oubliera bien vite. »

Elle hocha la tête pour acquiescer. Et bien qu’une fois revenu à Lost Amnia il culpabilisa sur le moment d’être si proche physiquement de June mais si loin mentalement il passa probablement la plus belle nuit d’amour depuis leur rencontre aux côtés de sa sirène.

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De son côté Arguès embrassa les fesses bien rebondies de Constantinople avant de venir s’allonger nu à ses côtés. Il avait cet air satisfait qu’elle lui connaissait si bien lorsqu’une idée lui trottait en tête et que les choses s’annonçaient positivement.

« Racontes moi »
« Laisses moi te garder la surprise mais personne ne devra jamais rien en savoir. » Lui répondit-il alors qu’il caressait ses épaules nues.

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