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Lost Amnia, bonus text #05



(Les textes bonus ne sont pas indispensables pour la trame principale de l'histoire et permettent de détailler certains moments précis et d'en apprendre plus sur les personnages)
Bonus #05
Dernier texte bonus pour un temps avant la reprise de la trame principale.

Ténébos était d’humeur maussade. Il avait choisit de retourner dans cette maison close privée à l’orée de la ville qu’il aimait tant fréquenter notamment de son vivant et qu’il avait volontairement délaissé depuis quelques temps comme pour l’en protéger des sentiments néfastes qui l’habitaient depuis la mort de Marianne. C’était un boudoir luxueux où il fleurait bon la luxure, les plaisirs déviants et l’opium. Là-bas l’exotisme et le dépaysement étaient assurés tant par les fresques murales peintes que par les femmes raffinées, voluptueuses et très soucieuses du confort et des attentes de leurs clients habitués, qui y résidaient. Caucasiennes, indiennes, chinoises, il y en avait pour tous les goûts. L’endroit était fort agréable pour tout homme noble de bon goût ; il respirait l’argent, l’opulence et l’illégalité entre velours pourpre et dorures fines et on pouvait y chasser le dragon en toute tranquillité.

Chaque fois qu’il avait visité ce lieu de débauche et qu’il avait enjambé une de ces amazones du plaisir, il s’était sentit gagné de sensations si fortes qu’il en était devenu rapidement dépendant. Là bas le vampire ne cherchait pas à se nourrir, non, il partait en quête de ce frisson qui parcourait son corps le faisant se sentir brûlant de vie ; un coin de paradis dont il attendait beaucoup de réconfort maintenant.

La tenancière et ses filles furent surprises aux premiers abords de le revoir ; dans la ville tout le monde avait eu vent de la tragédie qu’il avait vécue mais ici pas de condescende ou d’apitoiement, les regards des autres hommes qu’il y croisait se voulaient discrets et respectueux de sa souffrance.

Il en choisit deux ; une rousse à la peau de lait et une chinoise aux cheveux d’un noir profond. Confortablement installés dans une des chambres, les deux jeunes femmes s’embrassaient et se caressaient tout en se dévêtant lentement l’une l’autre pendant que le vampire ne se mettait à l’aise appréciant l’ambiance fortement érotique de la scène offerte à ses yeux. Il les caressa, embrassa et chevaucha tour à tour, plusieurs fois, multipliant jeux et positions mais tout se faisait presque par automatisme. Ténébos ne ressentait rien ou du moins rien de comparable à ce qu’il en était autrefois. Le parfum délicat de leur peau était à présent si prononcé que presque écœurant et le bruit de leurs corps s’entrechoquant si bruyant qu’il en ôtait tout charme rendant le moment purement animal et gratuit.

La troisième fois, qu’elles vinrent vers lui, le regard aguicheur le mettant au défi de les combler une fois encore, il les repoussa. Pensant que cela faisait partie du jeu elles insistèrent compressant leur croupe et leurs seins contre son corps, mais il rejeta violemment la première en arrière. Celle-ci vint heurter brutalement le sol et sa tête cogner un des pieds du lit. Elle cria sous la douleur et sa compagne se précipita dans sa direction pour s’assurer qu’elle n’était pas blessée tout en lançant un regard agacé vers le jeune homme, lui indiquant que quelque soit son humeur il n’était pas tolérable de les traiter de la sorte.

Ténébos se sentit envahi d’une immense tristesse. S’en était fini de cette fièvre lorsqu’il glissait entre leurs cuisses et que son bas ventre ne venait compresser le leur, s’en était fini de l’écho de leurs soupirs au creux de son oreille, de l’odeur de leur peau échauffée au creux de ses narines. Les effets sonnaient creux, vides, désespérément tour à tour lassants ou nauséeux. Le vampire anéantit, s’appuya contre le mur et se laissa glisser lourdement jusqu’au sol avant de fondre en larmes. La douleur dans son cœur était si ancrée qu’il eut l’espace d’un instant la sensation d’étouffer. Marianne n’était plus, ses plaisirs de sa vie d’autrefois non plus. Il serra les poings si fort que ses ongles se plantèrent dans la chair de ses paumes ; le sang ruisselant en un fin filet, et les cogna violemment sur le sol tout en pensant à son frère :
« Pourquoi as-tu fait cela ? »

Arguès était d’humeur irritable, énervé pour une raison qu’il ignorait mais cette nuit davantage encore il se sentait profondément seul, seul et délaissé, évincé du monde, évincé des humains qui bien qu’ignorant son secret semblaient n’avoir de cesse de lui rappeler qu’il n’avait pas sa place parmi eux et qu’il n’était donc pas le bienvenue à leurs côtés. Même les domestiques semblaient prendre de la distance, eux qui s’étaient toujours montrés amicaux et enjoués trouvaient le jeune homme de plus en plus dur et insensible ; en sa présence ils se sentaient désormais rapidement mal à l’aise faisant au plus rapide dans les tâches qu’on leur avait confiées afin de ne le côtoyer que brièvement lui renvoyant à leur tour cette image de bête, de monstre qu’il était.

Arguès repensa à la mort de ses parents, à Marianne…tout aurait pu être si différent si la vie ne les avait pas confrontés si jeunes à des moments aussi difficiles. Si les évènements avaient étés tout autre il serait probablement un autre homme ; un homme qu’on saluerait et auquel on sourirait, un homme qu’on apprécierait et qu’on serait heureux de revoir, un homme marié, comblé et peut être même père pourquoi pas. Les courriers d’invitation adressés à son cadet s’entassaient sur la table basse. Il en ouvrit quelques uns et parcourut rapidement leur contenu ; toujours les mêmes phrases, les mêmes compliments alors que son nom n’était même pas évoqué, pas un ne suggérer de prolonger l’invitation aux membres de la famille. Le monde n’avait décidément les yeux rivés que sur le plus jeune des deux.

Alors cette même tristesse gagna à son tour le cœur du jeune homme, une tristesse qu’il ne connaissait que trop bien et qui était devenue sa plus fidèle amie depuis la mort de Marianne. Debout, face à son bureau, seul un soir de fête où les gens de son âge ne pensaient qu’à se divertir et s’amuser, il plongea son visage dans le creux de sa main et pleura. Bien que déterminé à abandonner le genre humain, Il était profondément malheureux, malheureux à en crever et rien ne semblait présager des jours meilleurs dans un futur proche. Il n’y voyait même que désespoir et souffrance. Envahi par la colère et le chagrin il saisit tout ce qu’il avait à portée de main pour l’envoyer valser à l’autre bout de la pièce : meubles, chaises, fauteuils, bibelots, paperasse, tout volait de part et d’autres autour de lui. Un tableau brisa même une des fenêtres. Les domestiques alertés par le bruit et ses cris de rage tentèrent de le calmer mais le jeune homme était incontrôlable, il fallait que toute cette douleur s’exprime et ne quitte ses entrailles qu’elle rongeait avec acharnement. Deux hommes tentèrent de le contenir pendant qu’une des femmes les accompagnant priait pour que personne ne soit blessé. Ils l’agrippèrent chacun par un bras, en appelant à sa raison mais il était bien trop puissant pour que deux hommes suffisent à le neutraliser. Se débattant il vint bousculer la jeune femme qui tomba à la renverse heurtant avec force un des meubles en bataille allongé sur le sol. Les deux autres, inquiets, lui portant assistance le regardèrent d’un air interrogateur et accusateur lui faisant comprendre qu’ils ne voulaient que l’aider et qu’il n’était donc pas nécessaire de passer ses nerfs sur leur personne. Ils choisirent de le laisser, après tout lorsqu’il n’y aurait plus rien à détruire dans la pièce il se calmerait peur être tout seul.

Arguès nerveusement et psychologiquement épuisé s’adossa contre un mur avant de se laisser glisser péniblement jusqu’au sol. Ses poings cognèrent si fort le mur derrière lui qu’il en garda une empreinte encastrée et pleura tant qu’il put tout en pensant à son frère.
« Pourquoi ais je fait cela ? »

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