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Lost Amnia, text #14


#14

Pour tenter de réfréner la douleur de son corps, Ténébos se remémora sa rencontre avec Laudanum, plus de 150 ans auparavant.

Ce jour là il s'était convié de lui même à une soirée de gala donnée par une famille d'industriels richissimes de la région, qui célébraient la majorité de leur plus jeune fille, espérant réunir les plus beaux partis du pays et trouver un gendre. Arguès, avait tenu à l'accompagner, soucieux que son frère ne fasse quoi que se soit qui puisse le mettre en danger. Les deux jeunes hommes avaient endossé leur condition de vampire depuis peu et Ténébos, toujours aussi impétueux, donnait du fil à retordre à son aîné. La salle de réception était immense, remplie d'une foule qui se goinfrait et riaient aux éclats, paonnant leurs tenues luxueuses réalisées spécialement pour l'occasion, affichant sans retenue leur fortune. Ce jour là parmi l'assistance son regard se posa sur une jeune femme de l'autre côté de la pièce, à la chevelure lumineuse, enfournée dans une robe turquoise brodées de roses d'or. Elle paraîssait très courtisée, nombre d'hommes autour d'elle semblaient espérer accaparer toute son attention en la couvrant de courbettes et compliments. A son tour elle parcouru la pièce d'un regard rapide avant de s'arrêter sur Ténébos et sans trop savoir pourquoi ni comment, l'un comme l'autre ressenti la déshumanité de celui qu'il observait et Ténébos fut soufflé par son image. Arguès le rejoignit à ce même instant, lui stipulant que pour des raisons de sécurité, ils devaient partir sur le champs.

"Une minute". lui réponda-t-il de la main alors qu'il se lançait dans la direction de la créature. Le voyant s'approcher, elle quitta poliement son harem pour s'enfoncer davantage dans la foule et disparaître à ses yeux mais c'était sans compter la vision très développée du vampire et quelques instants plus tard, la main de Ténébos se posa sur son épaule.

"Excusez-moi..."

Elle se retourna, il l'observa avec attention, tentant surement de comprendre ce qu'elle pouvait être. Délicatement il releva la voilette de son chapeau pour admirer pleinement les couleurs vives de son visage qu'il semblait être le seul à avoir remarqués et voulu passer ses doigts dans ses cheveux comme pour s'assurer qu'elle n'était pas qu'une illusion mais Arguès, jaillissant de nul part, stoppa sa main dans son élan, s'éxcusa auprès de la demoiselle sans même déceler quoi que se soit d'anormal chez elle, visiblement trop inquiet et pressé.

"Il nous faut partir tout de suite ! Je crois que nous sommes repérés !"

Achevant ces quelques mots, il quitta au plus vite l'endroit emmenant avec lui son cadet qu'il tenait fermement par le poignet. Ténébos ne la quitta pas des yeux, elle lui sourit puis remis sa voilette et disparut parmi la fouille grouillante autour d'elle.

Les jours passèrent mais le jeune vampire ne pouvait se détacher de cette vision, elle était devenue une obsession, le hantant à chaque instant, jour et nuit, oubliant presque la disparition brutale de Marianne quelques temps avant. Chacune de ses pensées étaient tournées vers elle. Qui était elle et qu'était elle ? Il se présenta à chaque soirée mondaine organisée dans les environs dans l'espoir de la revoir ne serait ce qu'un court moment ; ce qui se produisit quelques mois plus tard. Elle était là debout, à quelques mètres, lui faisant face, ses cheveux attachés en chignon, quelques mèches libres et ondulées glissant de chaque côté de son visage, une robe moulante dorée montée de fourrure qui mettait en valeur les formes parfaites de son corps. Elle le reconnut au premier coup d'oeil et il profita du fait qu'elle soit seule pour la rejoindre. Mais avant même qu'il ait eu le temps de dire un mot elle l'invita à le suivre et quitta discrètement les conviés pour le mener à l'écart, puis grimpa un escalier immense ornés de peintures historiques et d'armes anciennes pour l'emmener dans une des pièces privées à l'étage. Une fois cachés, à l'abri des regards indiscrets, elle se mit doucement à chanter en lui frôlant le menton du bout des doigts. Ténébos se demanda quelle créature pouvait ainsi être dotée d'une telle grâce tant dans la silhouette que dans la voix. Il dénoua ses cheveux, respira leur parfum délicat et l'embrassa progressivement dans le cou, partant de la racine jusqu'au menton, ses mains remontant le long de ses reins. Sa peau avait le goût d'un fruit mais au contact de ses dents sur sa chair elle lui fit comprendre qu'elle ne voulait être mordue. Il se retint donc et rejoignit sa bouche, glissant sa langue entre ses lèvres pour danser avec la sienne. Elle l'enlaça quelques secondes profitant de ce moment de plaisir avant de le freiner dans son élan, lui faisant comprendre que leur absence prolongée en tout début de soirée lèveraient des doutes. Se hâtant de recoiffer ses cheveux, elle lui gribouilla avec ce qu'elle trouva sur place, nom et adresse qu'elle lui tendit avant de sortir.

"Attendez quelques minutes avant de descendre."

Dès lors ils devinrent amis et amants, se voyant presque avec la même impatience chaque nuit, des mois durant. Laudanum devint sa muse, sa compagne et sa complice : lui apprenant à maîtriser ses nouvelles capacités, faisant du jeune homme un vampire affirmé et redoutable. Arguès, attentif et quelque peu curieux à l'égard de cette relation, finit par accompagner son frère ; c'est ainsi qu'il rencontra à son tour la soeur de Laudanum et qu'il se laissa lui aussi séduire par les charmes d'une sirène.

Constantinople était plus naturelle et animale que sa soeur, elle ne portait ni bijou ni robe de soirée et n'aimait pas chanter. Elle ne sortait que rarement et n'était pas très appréciée de part son caractère dur et froid. La première fois qu'elle croisa Arguès, elle fut surprise de voir que le frère de Ténébos, qu'elle trouvait un peu trop tape à l'oeil était nettement plus sobre et posé. Lui, mal à l'aise, ne connaissant rien des sirènes, s'était surtout contenté de sourire poliement. Ils apprirent rapidement à s'apprécier pour devenir eux aussi inséparables. Et voilà comment les deux frères vampires s'étaient amourachés des deux soeurs sirènes et vise-versa.

Quand leurs relations devinrent sérieuses et que les deux hommes passèrent la majeure partie de leur temps aux côtés de leur concubine, Arguès estima qu'il était temps de trouver un lieu où ils ne seraient plus obligés de vivre à moitié cachés et où ils pourraient librement partager leur amour et leurs intérêts communs. Et bien que la résidence somptueuse des sirènes, offerte en héritage à Laudanum, par un amoureux transit mort dans des circonstances indéfinies, se prêtaient bien à leurs projets, elles restaient malgré tout un endroit trop exposé et trop fréquenté par ses courtisans que Ténébos tolérait difficilement ; le personnel commençant par ailleurs à se poser des questions quant à la nature de ses visites répétitives. D'autres présents et travaillant sur place depuis plusieurs années se demandaient également pourquoi les deux soeurs ne vieillissaient-elles pas ? Pourquoi n'avaient-il jamais besoin de cuire les viandes qu'on leur servait et quels étaient ces cris étranges et effrayants qui résonnaient parfois la nuit à travers les murs. Le vampire débusqua l'endroit idéal, une magnifique demeure, dont le propriétaire était décédé récemment. C'était une vieille batisse imposante et majestueuse à mi chemin entre le manoir et l'ancienne forteresse perdue aux milieux des terres et forêts. Elle devint le nid des deux couples. Les domestiques restés fidèles à la propriété après le décès de leur maître disparurent au fur et à mesure pour ne jamais être remplacés. Le lieu s'imprégna des auras malfaisantes de ses nouveaux habitants, les pierres et les murs semblèrent prendre vie, le temps se mit à évoluer de manière différente, le tout disparaissant presque aux yeux humains du monde. Lost Amnia, lieu maudit, était né.

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