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Lost Amnia, bonus text #03



(Les textes bonus ne sont pas indispensables pour la trame principale de l'histoire et permettent de détailler certains moments précis et d'en apprendre plus sur les personnages)
Bonus #03

Arguès avait surpris Ténébos batifolant avec Marianne dans leur jardin, il l’embrassait amoureusement dans le cou pendant qu’elle l’agrippait par la taille et le vampire devait en profiter pour glisser quelques mots d’humour car la jeune femme alternait rires et frémissements. Il se souvenait de la sensation étrange qu’il avait ressentit à ce moment exact en les observant depuis sa fenêtre ; précisément de la jalousie. Si Arguès aimait grandement son frère et qu’il ne s’était jamais sentit en compétition avec celui-ci, il lui arrivait régulièrement de l’envier. Ténébos avait une telle facilité à aller vers les autres, c’était naturel ; il entrait dans une pièce, souriait et les visages lui faisant face devenaient presqu’aussitôt sympathiques. Tant et si bien qu’il était presque trop facile pour celui-ci de les manipuler pour en obtenir ce qu’il souhaitait. Il aurait aimé pouvoir de temps en temps laisser derrière lui cette rigidité pour profiter davantage de la vie et de sa jeunesse mais les très rares fois où il avait tenté de paraître plus souple, les regards étaient immédiatement devenus curieux, presque moqueurs, comme s’il lui était impossible de n’être autre chose que cette réputation d’homme stoïque.

Combien de fois avait-il eu cette terrible envie lui aussi de pouvoir s’allonger entre les bras d’une femme aimante qui soupirerait de plaisir au creux de son oreille, combien de fois avait-il eu envie de sentir la caresse d’une main féminine câline et réconfortante sur sa peau. Mais les gens en avaient décidé autrement, depuis leur plus tendre enfance, l’aîné était voué à prendre la relève et à devenir un homme responsable, décisionnaire et pragmatique tandis que le cadet plus sensible et rêveur serait le charmeur, l’enjoué, celui qui nouerait des relations. Ténébos et Arguès s’étaient retrouvés brutalement orphelins à l’adolescence et c’est bien évidemment Arguès, effleurant à peine la maturité d’un homme adulte, qui du endosser l’image du responsable de famille, se faisant ainsi le devoir de protéger son frère pourtant à peine plus jeune de quelques années. Les rôles étaient donnés et n’en changeraient donc pas.

Quand Arguès et Ténébos étaient devenus des créatures de l’ombre, Arguès avait d’abord cru brièvement qu’il pourrait changer, profiter de ce nouveau lui pour être ce à quoi il aspirait depuis ces dernières années : libre d’exprimer ses sentiments, ses craintes, ses doutes. Ce ne serait pas aisé, il restait malgré tout très introverti mais il essayerait. Malheureusement il avait vite réalisé que tous deux devraient se cantonner plus que jamais à leur personnage respectif afin de ne pas éveiller les soupçons, auquel cas leur seconde existence prendrait immédiatement fin. Il se souvenait de cet horrible sentiment d’oppression et de confinement qui l’alourdissait, le condamnant plus que jamais à être ce qu’il ne voulait plus être.


« Assez !! J’en ai assez de tout cela !! »

Arguès fou de colère avait retourné meubles et fauteuils dans son bureau, arrachant à coup de griffes tous ces papiers, ces formalités interminables qui le pesaient et l’étouffaient. Il se sentait fatigué de devoir tout endosser sans jamais rien laisser paraître. Ténébos qui découvrait depuis peu les colères subites de son frère, entra dans la pièce et referma rapidement la porte derrière lui.

« Pourrais-tu faire moins de bruit ? Tu risques de tous les réveiller. »
« Et alors !? »
« Et alors, est-ce là ce que tu veux ? Qu’ils te voient tous ainsi, rongé par la colère et qu’ils découvrent que tu n’es plus l’homme que tu es censé être ?»
« Et pourquoi pas après tout ! Je suis lassé de tout cela, lassé d’être celui qui doit tout assumer. Pourquoi n’inverserions nous pas les rôles pour une fois ? »

Ténébos retourna un fauteuil dans lequel il vint s’avachir paresseusement.

« Es tu en train de faire de l’humour ? Toi devenir un mondain, s’il te plaît laisse moi rire. »
Lui répondit-il ne pouvant retenir au passage un rire moqueur.

Arguès plus énervé et susceptible que jamais empoigna son cadet par le col plongeant ses yeux furibonds dans les siens.

« Allons qui ici serait prêt à croire que tu pourrais être autre chose que ce costume amidonné dans lequel tu te glisses chaque jour. Soyons lucides, tu n’es pas fait pour ce monde frivole et superficiel et puis…tu n’en as pas le physique, je le crains..»
« Tu te fourvoies. Je sais que je peux plaire aux femmes, j’ai déjà vu leurs yeux s’attarder longuement sur moi après mon passage. »
« Je crois plutôt qu’elles devaient cancaner sur le fait que tu sembles toujours célibataire. Peut être pensent-elles que tu es simplement plus attiré par les hommes. C’est vrai après tout on pourrait se poser la question. »

Il aurait espéré un peu de soutient de sa part, peut être même une invitation, un encouragement même léger à profiter davantage de tous ces instants qu’il loupait, mais tout ce que Ténébos fit fut d’être lui-même envers et contre tout et continuer de rire tout en attrapant au sol une grappe de raisin qu’il dégustait du regard.

« Tu es cruel. » lui répondit il simplement recouvrant aussi rapidement qu’il avait disparu, son calme légendaire.
« C’est possible, peut être ais-je manqué de rigidité dans mon éducation. Qu’en penses-tu ? »
« Laisses moi seul s’il te plaît. »

Le cadet vient tapoter l’épaule de son frère presque par condescendance ce qui le blessa un peu plus encore.

« Je suis sur que quelque part une belle jeune femme t’attends…enfin si c’est cela que tu souhaites bien entendu. » termina-t-il avec arrogance.

Arguès abattu, repoussa sèchement la main de son frère pour lui tourner le dos, ne pouvant davantage soutenir les critiques volontairement méchantes de Ténébos.


Cette nuit là Marianne inquiétée une fois de plus par les absences répétitives de son fiancé, alla questionner Arguès et remarqua bien qu’il semblait contrarié et triste bien qu’à son habitude il prenait tant sur lui qu’il était difficile de savoir finalement ce qu’il ressentait. Et s’il l’impressionnait beaucoup elle voulut malgré tout lui apporter son soutient.

Elle le rejoignit donc dans le salon et s’assit à ses côtés sur le sofa brodé. La voyant s’approcher, il posa son journal.

« Tu ne dors pas ? »
« Non j’attends le retour de Ténébos. Sais tu une fois de plus où il se trouve ? »
« J’imagine que comme à l’accoutumé il doit écumer les soirées. Tu devrais aller te coucher, il rentrera probablement très tardivement. »
« Je préfère l’attendre malgré tout. »
« Comme il te plaira. »
«… »

Elle voulut lui poser la question mais plusieurs fois elle se lança pour se freiner aussi sec. Il le remarqua et lui demanda alors :

« Puis-je faire quelque chose pour t’aider ? »
« J’ai l’impression que…que… »

Elle sourit doucement, embarrassée de ne pas savoir comment aborder le sujet. Son seul regard pouvait parfois la mettre si mal à l’aise en dépit du fait qu’il essayait toujours d’être charmant avec elle.

« Je t’écoute. »
« J’ai l’impression que tu sembles triste. Est-ce tout va bien ? »

Il faut surpris et touché par cette attention et lui saisissant les mains pour les relâcher aussitôt réalisant que ce geste pouvait paraître un peu trop familier, il lui répondit simplement :

« Tout va bien ne t’inquiètes pas. »
« Tu es certain ? Tu peux…te confier à moi si tu le souhaites. »
« J’en suis plus que certain. Tout va très bien. »
« Bien…si tu l’affirmes avec autant de volonté, je suis bien forcée de te croire. »

Elle se leva et fit mine de repartir.

« Marianne ? »
« Oui ? »
« Merci. »

Elle lui sourit tout en penchant doucement la tête en signe d’acquiescement avant de s’apprêter à le laisser seul. Et là encore il avait sentit de la jalousie. Comment son frère pouvait il avoir la chance d’être promis à une femme qu’il ne méritait vraisemblablement pas bien qu’elle éveillait en lui des sentiments dont il n’aurait presque pas cru l’existence et qu’elle tolérait inconsciemment tellement de choses.

Et alors qu’Arguès s’élançait dans sa direction, sans trop comprendre pourquoi ni savoir ce qu’il lui dirait ou ferait, Ténébos entra au même instant dans le salon pour se précipiter vers sa fiancée.

« Je suis désolé de vous interrompre. »

Marianne se retourna et la seule vue de son homme près d’elle suffit à faire à nouveau rayonner son visage de bonheur. Arguès, quant à lui, fit mine de revenir doucement reprendre sa place.

« Madame, accepteriez-vous de me consacrer un peu de votre précieux temps en privé ? » lui demanda-t-il lui baisant la main.

Bien que la scène se voulait volontairement théâtrale Arguès ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel marquant le ridicule de la situation tandis que Marianne semblait grandement apprécier le jeu. Il attrapa sa promise par la taille et l’invita à le suivre tout en saluant son frère.

« Bonne nuit. »

Ténébos entraîna Marianne dans un petit salon privé où il aimait à flâner tranquillement. Elle dut refreiner ses élans tant ce dernier semblait particulièrement réclamer sa tendresse. Réalisant qu’il ne pourrait jamais la traiter comme il traitait ses amantes d’un soir, il reprit rapidement son sérieux pour la regarder simplement, appréciant sa beauté et sa douceur.

« Que veux-tu ? » demanda-t-elle tout gênée mais heureuse qu’il ne la regarde ainsi avec insistance.

« J’ai réalisé aujourd’hui la chance que j’avais de t’avoir à mes côtés. Aussi ais-je décidé que désormais comme tu me l’avais maintes fois réclamé nous passerions bien plus de temps ensembles. »

A ces mots à peine achevés elle se jeta sur lui pour le serrer bien fort dans ses bras. Il avait en une phrase remplit son cœur d’une telle joie. C’est tout ce qu’elle désirait depuis le début de leur relation et voilà qu’il semblait enfin prêt. Les doutes nés récemment disparurent comme les grains de sable au premier souffle de vent. C’est bien lui qu’elle désirait épouser, il n’en serait pas possible autrement.

« Pardonnes moi de t’avoir ainsi négligé. »

Et une fois de plus Ténébos s’était sentit simplement heureux pour eux deux.

Ce qu’Arguès ignorait c’est que cette nuit là toujours, malgré ses moqueries Ténébos avait pris la défense de son frère lorsqu’il avait entendu au hasard d’une conversation des propos qu’il estimait déplacés à son sujet. Il était intervenu sans retenue, lançant un regard noir à la jeune femme qui avait osé critiquer à demi-mot son aîné.

« Je ravalerais votre langue bien pendue si j’étais vous. Il y aurait tant de sujets vous concernant que les gens ici seraient bien curieux de connaître, je n’en doute pas un instant. »

Ce petit moment si banal et courant dans le milieu noble que côtoyait Ténébos lui fit pourtant prendre conscience qu’il était temps pour lui de se consacrer davantage à ce qui le rendait heureux. Bien qu’il avait pleinement conscience qu’il ne pourrait jamais totalement délaisser ce milieu gangréné par l’hypocrisie mais qui savait satisfaire grandement sa vanité, il ressentait pourtant un réel besoin de simplicité et de sincérité. Lui aussi se sentait parfois lassé d’être cet homme élégant, raffiné et physiquement séduisant en échange de compliments excessifs. Arguès, quant à lui, prit alors pleinement conscience des sentiments qu’il ressentait pour la promise de son frère et il trouva une fois de plus la vie bien cruelle : ainsi la seule femme qu’il ait jamais aimé serait celle qu’il ne pourrait jamais avoir et cette idée prit rapidement une tournure obsessionnelle qui allait petit à petit l’empoisonner alors que son frère à contrario semblait enfin acquérir un semblant de stabilité.

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