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Lost Amnia, text #20


#20

"j'ai trouvé ce que tu m'avais demandé, cela n'a pas été aisé mais j'y suis parvenu."

Ténébos referma la porte et sourit à Junaled, heureux d'avoir pu répondre à sa requête, mais elle lui parut étrangement en colère ; sa respiration était rapide, saccadée, et elle semblait tenter de se contenir.

"Est ce que tout va bien ?"

Elle se précipita vers lui pour le gifler. Il ne s'attendait pas une telle réaction de sa part, tant et si bien qu'il n'eut même pas le réflexe d'arrêter sa main avant que celle-ci ne vienne percuter de plein fouet sa joue. A la fois étonné et faché il lacha tout ce qu'il tenait pour attraper un peu brusquement la jeune femme par le bras et lui demander des explications.

"Pourrais-je savoir quelle foudre as tu contre moi ?!"

Elle ne répondit qu'un seul mot :
"Laudanum"

Et quand celui-ci résonna à travers la pièce entière, l'expression qu'elle pouvait lire sur le visage du vampire changea littéralement ; l'agacement laissant place à la gène.

"Qui est venu te voir pendant mon absence ?"

Son regard noir se focalisait totalement sur lui, elle aurait voulu crier, le marteler de ses poings et de toutes ses forces, lui faire mal pour qu'il ressente la même colère et la même peine qu'elle mais elle lui adressa simplement les yeux les plus acerbes qu'elle puisse faire lui exprimant toute son amertume et sa déception face à ce qu'elle considérait comme une trahison.

"QUI ?!"
"Ton frère"

Ténébos soupira, non surpris par cette intervention d'Arguès comme si quelque chose de ce genre était finalement à prévoir.

"J'ai tout laissé derrière moi, j'ai tourné le dos à tout ce qui avait de la valeur et pour quoi ? Pour n'être que la numéro 2 si tenté qu'on puisse même comparer une relation de plus d'une centaine d'années à celle de quelques mois. Pourquoi m'as tu menti ?"
"Je ne t'ai pas menti, je ne t'ai jamais menti ! ...Tu ne m'a pas posé la question de savoir si une femme que j'aimais partageait déjà mes nuits."
"Quand cesseras-tu tous ces mystères et ces silences pour être honnête avec moi ?!"
"Et ma relation avec Laudanum s'est arrêtée quand la nôtre à démarré !"
"Selon sa propre volonté j'imagine, c'était ce à quoi tu avais du renoncer. Je comprends mieux maintenant. Dire que je me sentais presque coupable."
"Oui mais si je t'aimais bien moins qu'elle comme tu sembles le penser, tu serais morte l'heure suivante pour que je puisse la retrouver. T'ais je fait du mal ? T'ais-je offenser ou brusquer d'une quelconque façon que se soit ? N'ais-je pas été l'homme le plus attentionné et tendre qui soit pour toi ces derniers jours ? Que dois-je faire de plus ?"

Junaled se sentait totalement déboussolée, ses sentiments nombreux et contradictoires venaient se fracasser de toutes parts en elle, la noyant dans le doute le plus complet. Elle le détestait pour ce qu'elle venait de découvrir mais il avait témoigné tellement d'affection pour elle et elle l'aimait aujourd'hui par dessus tout et ce en dépit de ses secrets honteux.

"Ton frère m'a également dit autre chose."
"J'écoute."
"Il m'a conté que tu faisais l'amour avec elle pendant que la femme qui vivait ici avant moi te supplier corps et âme de revenir vers elle ? Est-ce vrai ? Lui avais tu avoué des sentiments a elle aussi ?"
"Je n'ai jamais ressenti d'amour pour celles qui ont vécues ici par le passé si cela peut te réconforter de le savoir, elles n'ont toujours été qu'un divertissement nécessaire pour moi et Arguès t'a simplement menti ."
"Que faisais-tu ?"

Ténébos lui tourna le dos et ramassa ce qu'il avait fait tomber après que June ne l'ait frappé.

"Terminés les longs silences ! Que faisais-tu ?!"
"...Je creusais sa tombe."

Elle ne put qu'imaginer la scène, les cris de la jeune femme hantant de parts et d'autres le manoir, ses mains cognant encore et toujours la porte pendant qu'il creusait déjà un trou profond dans le sol pour accueillir son corps, la condamnant à la mort sans aucune échappatoire possible mais trop lâche pour le faire lui même, attendant qu'elle ait perdu jusqu'au moindre souffle d'espoir pour passer la corde autour de son propre cou. Elle se sentit mal, très mal, encore cette sensation d'un étau qui se refermait sur son coeur pour l'écraser toujours un peu plus fort. Elle ne savait même plus si elle devait rire ou pleurer et son corps et son esprit partaient à la dérive. Ténébos réalisa qu'elle était totalement perdue. Il se releva, posa ce qu'il tenait et la saisit entre ses mains pour lui faire face et la regarder droit dans les yeux. Il allait être franc et tout serait dit pour qu'elle puisse enfin comprendre ce qu'il était et non ce qu'elle voulait qu'il soit.

"Je suis un vampire ! Je me nourris du sang des humains, j'ai tué et je tuerais encore et encore et encore, c'est inévitable ! Et puisque l'heure est aux aveux, j'ai fréquenté d'innombrables femmes, tant que je ne peux les compter, les menant sans hésiter à la mort pour pouvoir profiter de certaines d'entre elles et en en gardeant d'autres à mes côtés et peu m'importait la douleur et la detresse au fond de leur coeur, cela ne m'intéressait pas si moi je pouvais y trouver un certain bonheur et qu'elles me permettaient de renouer avec des sentiments et des sensations perdus. Je ne suis pas l'homme bien que tu imagines et je ne l'ai jamais été même si aujourd'hui en repensant à Marianne et en pensant à toi j'ai parfois honte de ce qu'ai pu faire et j'aimerais, oh oui j'aimerais pouvoir revenir en arrière pour changer certaines choses mais je ne le peux pas ! Je n'ai jamais demandé à devenir ce que je suis aujourd'hui et j'avais besoin d'elles pour ne pas oublier qui je suis ! Je n'ai rien de plus à t'offrir que mon amour mais saches qu'il est sincère et que je ne mens pas."

"Peux tu me promettre que dans 10 ans, 20 ans il sera toujours aussi fort ? Peux-tu me promettre que tu ne te lasseras pas de moi ?
"..."
"Un humain ne pourrait le dire tant sa vie peut être remplie d'imprévus alors un vampire qui a l'immortalité devant lui...je...je ne suis pas sûre de pouvoir vivre comme ça."

Les larmes commencèrent à couler. Il passa sa main sur ses joues roses pour les essuyer.

"Je ne peux rien promettre. Je suis désolé."

Et bien qu'elle ait réussi jusque là à se retenir elle ne le put davantage. Pendant que le chagrin noyait ses yeux elle le frappa tant qu'elle put. Il se laissa faire, comme pour se punir de l'avoir tant blessé. La voir pleurer et en être la cause c'était pour lui comme être arraché d'une partie de lui même. Lorsqu'elle fut émotionnellement et physiquement à bout de souffle, fatiguée. Il la laissa seule pour qu'elle puisse se reposer.

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Peu après, il entra en fracas dans la chambre d'Arguès et sans dire un mot, se ruea sur lui, renversant meubles et chaises au passage, le plaquant violemment contre un mur. Arguès devinait aisément pourquoi son frère semblait si furieux mais il ne regrettait rien. Il avait fait ce qu'il avait à faire et il était fatigué du comportement excessif de son cadet. Alors l'un ne cédant devant l'autre comme à l'accoutumé ils se battirent comme deux bêtes, jusqu'au sang, se déchirant les muscles du corps à coup de griffes et de dents. C'était la première fois qu'elle les voyait s'accrocher de manière aussi virulente. Elle voulu les séparer tant bien que mal mais ils étaient tous les deux bien plus forts qu'elle, et Constantinople fut juste blessée par leur échanges violents. Le remarquant, Arguès lâcha son frère pour ne pas la meurtrir davantage.

"Si tu t'en prends à Junaled, c'est elle qui en paiera les conséquences !" désignant du doigt la sirène.

Arguès fut déconcerté par cette phrase, c'était la première fois que son frère menaçait la femme qu'il aimait pour l'atteindre lui.

"Je veux qu'elle disparaisse ! Peu m'importe qu'elle se suicide en découvrant qui tu es ou qu'elle te rejette tant que tu finiras par l'abandonner elle aussi. Je ne veux plus la savoir ici avec nous. C'en est terminé de tes caprices !!"

"Tu peux peut être t'imposer face aux autres parce qu'ils acceptent de jouer le jeu mais ne me dis pas ce que je dois faire ou non. Je ferais ce que bon me semble !"

Et il tourna les talons en claquant violemment la porte derrière lui.

Arguès sérieusement contrarié prit Constantinople dans ses bras et s'excusa de l'avoir blessé par inadvertance.

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La nuit suivante il ne vint pas la voir. June ne fut pas surprise, elle ne s'attendait pas vraiment à ce qu'il la rejoigne. Elle avait besoin de temps pour encaisser leur dispute et accepter les côtés les plus laids de l'homme qu'elle aimait. Il devait probablement lui aussi réfléchir à tout cela de son côté.

La seconde nuit il ne vint toujours pas, mais elle resta confiante, il viendrait à la prochaine, elle en était sûre. Elle avait économisé sa nourriture, par précaution et elle ne pouvait se résoudre à croire qu'il abandonnerait et il lui ferait subir le même sort mais l'espace d'un instant elle put se glisser dans la peau de toutes celles qui avaient vu leur vie prendre fin de manière brutale et inexpliquée. Quelle frustration immense cela devait être de se dire que tout s'arrêterait ici, là sous peu et qu'elle ne pouvait rien faire pour lutter contre. Elle se demanda combien de temps elle tiendrait si cela devait lui arriver.

Mais la troisième nuit, la porte resta désespérement fermée. June ne put se résoudre à se que tout se termine ainsi et maintenant, pas après tout ce qu'elle était prête à accepter et les efforts déjà fournis, elle ferait le premier pas s'il le fallait. Elle se leva, se concentra et se dirigea d'un pas décidé vers la porte qu'elle ouvrit sans hésiter. A nouveau ils étaient tous là, la dévisageant et la poussant à franchir le seuil, encerclant l'entrée de toutes parts, se mouvant dans les airs. Elle se convainquit que tout cela n'était qu'une illusion, qu'ils ne pouvaient être là à tous moments, que ce lieu était probablement tant imprégné de leur présence qu'il s'exprimait désormais de lui même. Et posant ses mains sur ses oreilles pour ne pas succomber aux chants que les murs renvoyaient, elle se lança à la recherche de Ténébos, marchant au hasard des couloirs mal éclairés, essayant en vain de l'apercevoir. Son coeur battait la chamade plus que jamais à l'idée de croiser l'un d'entre eux. A quelques mètres à peine Constantinople releva la tête et renifla son odeur. Elle comprit immédiatement que la jeune femme avait quitté les appartements privés dans lesquels elle était confinée et s'en réjouit. L'interdiction était levée, elle pouvait désormais faire ce que bon lui semblait. Elle se faufila tel un poisson dans l'eau dans les couloirs entremêlés pour essayer de la repérer et l'attrapper, rampant tantôt sur le sol, tantôt le long des parois, sifflant pour alerter les autres. Les murs qui entouraient June changèrent de décors pour ne laisser apercevoir que le visage de la sirène en question. Elle comprit qu'elle ne devait pas être loin et se mit à courir pour lui échapper mais la sirène avait un flaire incroyable, impossible de la semer sur son propre terrain de chasse. Alors June pria tant qu'elle put pour trouver Ténébos le plus rapidement possible, le cas échéant sa vie prendrait immédiatement fin et de la façon la plus abominable qui soit. Elle courru à en perdre haleine, se perdant littéralement dans le dédable de couloirs et d'escaliers, ses mains toujours collées sur ses oreilles. Au loin, elle entrevit difficilement une silhouette et se précipita dans sa direction. Au même instant, Laudanum se retourna et l'aperçut accourant vers elle. Elle mit quelques secondes avant de réaliser la scène qui se déroulait sous ses yeux. Et alors que tout sourire féroce aux lèvres elle s'apprêtait à la contrecarrer et à la plaquer au sol, la prenant au piège entre elle et sa soeur, Ténébos sortit de nul part se glissa entre elle et Laudanum tel un rempart de protection mais dans le mouvement, les cheveux de Laudanum frolèrent le bout des doigts de June qui tomba en arrière au contact violent du vampire contre son corps. Constantinople arriva la seconde suivante sur place pour constater à sa grande déception qu'il était déjà trop tard. Ténébos sentant qu'une grande menace pesait sur June l'avait rejoint avant elle. Ce n'était pas cette fois qu'elle pourrait s'en délecter. Elle lui tena tête un court instant avant de se résigner à lui laisser le passage libre. Les yeux de Ténébos croisèrent furtivement ceux de Laudanum qui sembla restée de marbre.
Il lui fallait faire vite, très vite maintenant, le poison que le corps de la sirène libérait au contact des humains allait se propager très rapidement dans le corps de la jeune femme. Il courut tant qu'il put la plaquant contre son corps et rejoignit sa salle d'eau. Avec un morceau de sa chemise qu'il arracha il lui fit un garrot bien serré sur le haut du bras et à l'aide d'un de ses ongles, il lui trancha la peau sur une bonne moitié de la longueur dans le sens de la veine, laissant s'échapper le sang de sa blessure. June en resta muette, tout était allé trop vite, elle n'avait pas eu le temps de réaliser ce qui venait de se passer. Elle regardait sans mot le sang couler à flôt de son bras.

Il attrapa son visage entre ses mains et la regarda dans les yeux.
"Pourquoi as tu fais cela, pourquoi ?!"
"Je...j'ai cru que tu ne reviendrais pas."
"Je m'apprêtais à te rejoindre quand j'ai constaté que la chambre était vide. C'était de la folie."

Ténébos la vit se vider de son sang, il fallait qu'elle saigne pour que le poison ne se répande dans son corps. Il la nourrirait du sien pour qu'elle puisse vivre mais au vue de la quantité qu'elle devrait absorber se serait la dernière fois qu'il pourrait la soigner. La prochaine fois il aurait le même effet que celui de Laudanum, il envahirait totalement son corps et détruirait tous ses globules rouges la tuant inexorablement. La jeune femme se sentit défaillir. Elle s'affaiblissait à vue d'oeil, ses oreilles ne percevant plus aucun son, ses yeux lui renvoyant une image trouble de ce qui l'entourait. Il la rattrapa au dernier moment pour la retenir dans ses bras et se mordit à nouveau le poignet pour qu'elle puisse boire. June semblait à des kilomètres de la scène, comme si qq'un d'autre habitait son corps et ne l'avait repoussé au fin fond de nul part. Voyant qu'elle était trop faible et vacillante, il lui maintint la tête droite et appuya son poignet sur sa bouche pour que le sang ne coule généreusement entre ses lèvres et ne vienne la guérir.

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